J'ai été bouleversée par le texte et l'interview de Marie-Hélène Lahaye ces derniers jours. Et par l'écho de Cranemou sur son blog.
Sans avoir vécu l'épouvantable expérience de certains parents, pour qui l'accouchement et la naissance resteront des cauchemars, j'ai eu la malchance de vivre un premier accouchement très déstabilisant sur le plan "mental", où l'empathie annoncée n'était pas au rendez-vous, où les gestes techniques se faisaient sans moi, où j'étais d'emblée cataloguée.
J'ai du mal à en parler, encore. C'était rude, mais pas tant que ça au regard de tant d'autres accouchements difficiles: des contractions violentes dans le dos (que j'ai de travers), une péridurale posée tard et qui ne marche pas ou très mal, de la peur, notamment parce que personne ne me parlait, ne me rassurait, ne me disait comment ça allait se passer, une expulsion "ratée" où l'on me fait comprendre que je ne sais pas pousser (c'est mon premier accouchement, j'essaie de toutes mes forces), une grande épisiotomie "pour faire passer la ventouse".
Bref. J'aime résumer mon accouchement à trois phrases qui disent l'attitude de la sage-femme sur laquelle je suis "tombée" ce jour-là.
Elle ne m'a adressé la parole que trois fois, en six heures environ (et n'a pas eu un regard pour mon mari). Pour me dire:
-"Vous n'auriez pas pu venir autrement qu'en ambulance?!" (on n'a pas de voiture, il faisait nuit et froid, j'avais des contractions violentes dans les reins toutes les trois minutes et on habite à vingt bonnes minutes à pied de la maternité)
-"Ben oui, ça fait mal, on vous avait pas prévenue?!" (J'étais à cinq centimètres, obligée d'être allongée, j'avais des contractions qui ravageaient le bas de mon dos depuis bientôt 12h : ma réponse a fusé, une insulte grossière que j'ai regretté d'abord mais dont je me félicite depuis maintenant 7 ans)
-"Ah bon? Vous la voulez?" alors qu'elle me présentait ma fille tout juste née. Je crois que c'est ce que je suis le moins encline à lui pardonner. J'étais douillette, j'étais chiante, j'étais nulle, et pour elle je n'allais pas vouloir tenir ma fille, tout de suite, toute glissante et encore reliée à son cordon... Alors que je ne pensais qu'à une chose: tenir cette enfant contre moi, relever leur foutue couverture, oublier le reste du monde, tout ce qui n'était pas nous et elle, nous trois, qui avions traversé ça, pour qui tout commençait.
Depuis, j'ai eu deux autres enfants et j'ai rencontré d'autres sage-femmes, formidables, qui m'ont encore mieux fait comprendre à quel point celle-là ne remplissait pas son rôle.
J'ai rencontré des équipes extraordinaires, à l'écoute, comprenant que leur boulot c'est aussi de nous accompagner dans ce grand saut qu'est la naissance, qu'on ne peut pas dissocier ce que certains considèrent comme de la "plomberie" de tout le reste. Je me dis souvent que j'aurais économisé tant de doutes, de larmes, de cris, si le regard avait été plus bienveillant, si l'on m'avait considéré un peu mieux ce jour-là.
Autour de moi j'ai l'impression que c'est souvent lors du premier accouchement que la violence est la plus présente, comme si le corps médical se liguait pour mater cette mère qui n'en est pas encore une.Les puéricultrices, les gynécologues, qui défilent dans votre chambre, vous considèrent comme de la glaise et j'ai été choquée de voir combien certains profitaient de la moindre faille pour vous faire sentir qu'ils avaient raison, que vous n'y connaissiez rien, que vous ne saviez pas faire. La lecture du formidable livre de Sandrine Garcia, Mères sous influence permet de resituer cette tendance.
Au deuxième enfant, puis après, c'est comme si l'expérience bâtie, l'assurance prise, la cellule familiale constituée nous protégeait de cette tentative d'ingérence brutale. On sait, on n'est plus dupe, nos enfants ne nous ont pas été retirés, on s'en est sortis, on est plus forts qu'eux.